Esclaves sur un navire
Des journalistes racontent leur voyage vers l’île de Bourbon et leur découverte de soutes chargées d’esclaves.
Le 20 janvier 1843, nous étions partis de Nantes pour Bourbon, île que nous voulions inspecter depuis longtemps pour dénoncer l’esclavage qui continuait à y sévir. Le voyage devait être long sur ce navire et nous devions nous montrer très coopératifs.
Ce bateau était très grand, très triste à voir car vieux et endommagé. Mais cela nous suffisait pour ce voyage.
L’équipage était très agréable, mais le capitaine et le barreur portaient un regard suspect sur nous, journalistes toujours en quête d’événements exceptionnels.
Le temps fut très agréable durant les trois premiers jours. Dans la nuit du troisième au quatrième jour, une tempête éclata et nous accompagna durant le reste de notre voyage. Un homme de l’équipage me dit de descendre dans la soute pour me mettre à l’abri.
En arrivant, je vis une porte suspecte ; je m’approchai, tendant mon oreille, et j’entendis des murmures et des gémissements. Curieux, je voulus entrer, mais la porte était fermée par un lourd cadenas. Avec une pince à métaux, je voulus le casser. Le capitaine arriva alors et me dit avec colère :
- Que fais-tu ici ?
Un des gars de l’équipage m’a dit de descendre pour me protéger de la tempête.
Ecarte toi vite de cette porte !Cet endroit est interdit aux voyageurs !
Après cette altercation, je me méfiai du capitaine et je partis rejoindre mes collègues. Quelque temps après ; je me dirigeai à nouveau vers cette porte qui m’était interdite. Je l’ouvris discrètement et vis des hommes, femmes et enfants noirs, maigres et hagards, attachés solidement avec des chaînes.
Les esclaves étaient très fatigués, tous serrés les uns contre les autres et me demandaient de l’aide.
Tout à coup, j’entendis le capitaine redescendre dans le soute. Je me cachai. Il s’approcha des prisonniers. Il prit l’un d’eux et le frappa brutalement avec une chaîne car il réclamait de l’eau. Le pauvre fut sauvagement assommé, peut-être tué.
Je remontai dans ma cabine, découragé et horrifié, et je finis d’écrire cette lettre pour témoigner et appeler les autorités à faire respecter l’abolition de l’esclavage
A. Desport, le 19 juillet 1845
Auteurs de l’article : Q.Nortur, K.Gosselin, M.Gaudelet