Achat d’esclaves sur l’île de Bourbon
Journal des sœurs Marcarrof
Paris, Juin 1777
Durant notre voyage à Bourbon avec le propriétaire de la « Marie-Caroline », un bateau négrier pratiquant le commerce des esclaves avec cette île, nous eûmes le malheur d’assister à une scène effroyable.
Nous devions nous rendre sur le lieu d’une vente d’esclaves. J’accompagnai mon ami Marc qui devait approvisionner son « stock » en prévision de son retour en France.
Nous marchâmes, sous la pluie, pendant une heure avant d’arriver chez le marchand. L’endroit était vaste et rempli, comme une réserve, d’objets précieux et de toutes sortes de marchandises. Le vendeur montra une chaise au capitaine. Ayant appris la raison de notre visite, l’homme désigna une porte au fond de la pièce. Accompagnés d’Isa, la fille du commandant, nous le suivîmes dans la salle adjacente.
C’était un petit réduit sombre et malpropre. Aux murs, étaient attachés des « Noirs ». Des colliers de fer les retenaient, figés et hagards. Chaque attache possédait un crochet où pendait une chaîne qui leur reliait les mains avec les pieds.
L’image de ces esclaves pieds et poings liés, nous déchira le cœur. Marc examina ces hommes misérables. Il s’arrêta devant une jeune noire et la tâta sur tous les endroits du corps. C’était un spectacle assez gênant. Mon compagnon de voyage lui ouvrit la bouche et inspecta les dents pour voir si elle était en bonne santé. J’étais horrifiée.
Il fit part de son choix au vendeur, puis nous allâmes dans un bâtiment voisin afin de faire marquer au fer rouge la malheureuse aux armoiries de son nouveau « propriétaire » .
Cette scène me dégoûta à tel point que j’en ressens encore des frissons.
La jeune femme qui nous accompagnait, Isa, en eut les larmes aux yeux et on voyait à travers son regard plein de détresse devant l’image de l’esclave suppliant son maître de lui épargner ces souffrances.
Depuis ce jour, j’ai convaincu mon compagnon de cesser ce trafic inhumain et
odieux.
Conclusion poétique :
La douleur
Et la peur
Que ressent l’homme enfermé
Et privé de toute liberté
Est infernale
Et souvent fatale.
Auteurs de l’article : P.Delattre, A.Morin