La scène se passe dans un café sur les Champs-Elysées, le 27 février 1830. Théophile Gautier arrive en retard.
Jean : Ah ! Enfin te voilà, je croyais que tu m’avais oublié ! Alors raconte-moi ce qui s’est passé, j’ai hâte de tout savoir !
Théophile Gautier : Non je ne t’ai pas oublié, j’étais en train de discuter avec Balzac de cette fameuse soirée où a eu lieu la première représentation d’Hernani. Figure-toi qu’il a reçu un trognon de chou en pleine tête !
Jean : Comment ?! C’est inadmissible ! Qui a bien pu s’en prendre à l’auteur de la Comédie Humaine ?!
T. Gautier : Ce sont les têtes chauves, mon ami ! Ceux-là même qui ne veulent pas du théâtre romantique ! Ils étaient assis dans les balcons et dans l’orchestre et nous jetaient des ordures. Quant à nous, nous étions éparpillés dans des recoins sombres et nous avions cachés des armes pour pourvoir nous défendre en cas d’attaque des classiques. Cela faisait déjà sept à huit heures que nous attendions dans la pénombre du théâtre quand la pièce a débuté.
Jean : Qu’avez-vous fait pour passer le temps pendant cette longue attente ?
T. Gautier : Au début nous avons débattu sur le titre de la pièce : nous hésitions entre Trois pour une, le titre original, et Hernani. Nous avions apporté de la nourriture : du saucisson, du pain, du chocolat … Nous avions également apporté de l’alcool et nous en avons peut-être un peu trop abusé. Nous étions légèrement éméchés, nous comme les classiques, lorsqu’enfin, le rideau se leva.
Jean : C’est sûrement ça qui a favorisé la querelle. J’ai entendu dire que c’est un enjambement dès le premier vers qui a déclenché la colère des classiques. Est-ce bien cela ?
T. Gautier : Parfaitement, dès qu’ils ont entendu
« Serait-ce déjà lui ? … C’est bien à l’escalier
Dérobé. »
Ils se sont mis à protester, à s’exclamer qu’on jetait les vers par les fenêtres. A chaque vers, les disputes augmentaient, les esprits s’échauffaient. Les acteurs n’ont pas pu aller jusqu’à la fin de l’acte I, les classiques protestaient et couvraient leurs voix en les huant.
Jean : Est-ce à partir de ce moment là que tout cela à dégénérer ?
T.Gautier : On a commencé à se lancer des objets, de la nourriture. La pièce s’est arrêtée, nous sommes tous sortis et la bataille a continué dehors.
Jean : Les gens devraient se calmer rapidement, personne n’en parlera plus dans quelques temps. Néanmoins ils se rappelleront de ton gilet rouge !